Mandate Services : une nouvelle ère pour les prélèvements automatiques en Europe

Depuis plus d’une décennie, l’Europe structure progressivement un marché unique des paiements numériques. La directive DSP2 a marqué une rupture : en imposant aux banques l’ouverture de leurs systèmes à des tiers régulés (TPP), elle a déclenché l’émergence d’un écosystème d’open banking inédit. Désormais, les API bancaires sont devenues une infrastructure critique pour l’innovation dans les paiements et les services financiers.
Pourtant, un domaine essentiel restait jusqu’ici en marge de cette dynamique : les mandats de prélèvement automatique. Qu’il s’agisse de régler une facture d’électricité, un abonnement télécom ou une cotisation d’assurance, le prélèvement demeure l’un des instruments les plus utilisés par les ménages et les entreprises européennes. Mais son fonctionnement, largement hérité de l’ère papier, souffrait d’un manque de digitalisation, de standardisation et de contrôle utilisateur.
Avec la publication des Operational Rules for Mandate Services dans le cadre de l’openFinance API Framework, le Berlin Group propose une réponse ambitieuse à ces limites. L’introduction des Mandate Services ne constitue pas un ajustement marginal : elle marque une étape structurante dans la construction d’un marché européen des paiements réellement intégré et centré sur l’utilisateur.
De la DSP2 à l’openFinance : un élargissement du champ d’action
La DSP2 avait ouvert trois grands cas d’usage via les API XS2A :
- l’initiation de paiements (Payment Initiation Services),
- l’accès aux informations de compte (Account Information Services),
- et la confirmation de la disponibilité des fonds.
Mais ces briques, aussi importantes soient-elles, ne couvraient pas l’ensemble des usages. Les prélèvements automatiques, qui nécessitent la mise en place préalable d’un mandat, restaient hors champ. Dans un contexte où le Payment Services Regulation (PSR), en cours de finalisation, prévoit d’inclure explicitement les prélèvements, le Berlin Group anticipe ce virage et propose une architecture opérationnelle pour les Mandate Services.
Ces services s’intègrent à l’openFinance API, une évolution du cadre XS2A qui élargit la perspective : l’accès n’est plus limité aux seuls TPP régulés par la DSP2. Corporates, fintechs et autres acteurs non régulés peuvent également interagir, sous réserve de conditions contractuelles et techniques définies par les banques (ASPSP).
Les Mandate Services : une approche holistique
Les Mandate Services introduisent quatre grandes fonctionnalités, conçues pour couvrir l’ensemble du cycle de vie d’un mandat :
- Établissement d’un mandat électronique
Le client (PSU) autorise un prélèvement via authentification forte. Cette étape digitalise et sécurise la création d’un mandat, jusqu’ici souvent gérée par formulaires papier ou flux hétérogènes. - Request to Mandate (RTM)
Dans ce modèle asynchrone, le mandat est initié par le créancier (via un TPP), puis validé ultérieurement par le débiteur dans ses canaux bancaires habituels (par exemple son espace en ligne). Cela permet d’éviter les frictions lors de la souscription et de confier la validation finale à l’environnement sécurisé de la banque. - Consultation des mandats existants
Le client peut accéder à une vision consolidée de tous ses mandats en cours, indépendamment du canal ou de l’intermédiaire par lequel ils ont été établis. Ce service renforce considérablement la transparence et le contrôle pour l’utilisateur final. - Annulation d’un mandat
L’utilisateur peut révoquer un mandat, qu’il ait été établi via sa banque, un TPP ou une plateforme tierce. Cette faculté transversale renforce la confiance, en rétablissant une maîtrise totale des engagements de paiement récurrents.
Les bénéfices : une création de valeur à plusieurs niveaux
L’introduction des Mandate Services est porteuse de bénéfices différenciés selon les acteurs.
- Pour les consommateurs : c’est une avancée décisive en matière d’empowerment financier. Ils disposent d’outils simples et standardisés pour visualiser, autoriser et révoquer leurs mandats, ce qui réduit le risque d’engagements oubliés ou abusifs.
- Pour les créanciers : le cadre facilite l’automatisation des flux et réduit la dépendance à des processus manuels, souvent sources d’erreurs et de coûts. Les entreprises peuvent fluidifier leurs parcours clients et offrir une expérience d’abonnement plus transparente.
- Pour les banques (ASPSP) : ces services constituent une opportunité stratégique. Ils leur permettent de proposer de nouvelles fonctionnalités différenciantes, tout en renforçant leur rôle de tiers de confiance. La conformité réglementaire (SCA, eIDAS) est intégrée dès la conception, ce qui limite les risques opérationnels.
- Pour les TPP et fintechs : un nouveau champ d’innovation s’ouvre. En combinant initiation de paiements, information de comptes et gestion des mandats, il devient possible de créer des solutions complètes pour les abonnements, la facturation ou encore les services financiers intégrés (embedded finance).
Un cadre opérationnel exigeant
La valeur de cette initiative repose aussi sur la rigueur de ses règles opérationnelles. Le Berlin Group définit un socle commun qui garantit la sécurité et la confiance :
- Identification des clients via certificats eIDAS, avec une flexibilité accrue par rapport aux contraintes strictes de la DSP2.
- Consentement fort et traçable de l’utilisateur, systématiquement validé par authentification forte (SCA).
- Respect des schémas de prélèvement existants (par exemple SEPA Direct Debit), afin d’assurer une compatibilité avec les infrastructures actuelles.
- Gestion cohérente des annulations, où le consentement et la sécurité restent au cœur du processus.
Ces garde-fous assurent que les Mandate Services ne deviennent pas une porte d’entrée au risque, mais bien une couche de sécurité supplémentaire pour l’ensemble du système.
Vers une intégration plus large : le futur du marché européen des paiements
L’enjeu dépasse la seule question des mandats. Avec l’openFinance API, l’Europe trace la voie d’un écosystème bancaire interopérable, où les services ne sont plus définis par des silos réglementaires, mais par des besoins concrets des utilisateurs.
L’intégration des Mandate Services prépare le terrain à un futur dans lequel :
- Les parcours de souscription et de paiement récurrent seront entièrement numériques, fluides et sécurisés.
- Les consommateurs disposeront d’un tableau de bord complet de leurs engagements financiers.
- Les entreprises pourront innover dans leurs modèles de facturation et d’abonnement.
- Les banques renforceront leur rôle pivot dans un marché de plus en plus ouvert et concurrentiel.
En anticipant les évolutions du Payment Services Regulation et en plaçant le consentement utilisateur au cœur de sa conception, le Berlin Group ne se contente pas d’améliorer la technique : il redessine l’architecture même des paiements récurrents en Europe.
Conclusion
Les Mandate Services constituent bien plus qu’un ajout technique au catalogue de l’openFinance API. Ils représentent un changement de paradigme : la transformation d’un processus historiquement lourd et opaque en un service digital, standardisé et centré sur l’utilisateur.
Pour les banques, les fintechs et les entreprises, cette évolution est autant une contrainte qu’une opportunité. Elle impose de repenser l’intégration des mandats dans les parcours clients, mais elle ouvre aussi la voie à des modèles plus efficaces, plus transparents et plus compétitifs.
Chez Onebird, nous sommes convaincus que la maîtrise de ces évolutions sera un facteur clé de différenciation. Comprendre les règles, anticiper leur impact et transformer ces exigences en opportunités business : c’est ainsi que les acteurs financiers pourront tirer parti de cette nouvelle étape de la révolution des paiements en Europe.